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Pas de moyens = pas de rentrée. » Le slogan tourne en boucle sur les réseaux. Non sans effet : de nombreux établissements scolaires de Seine-Saint-Denis (93) sont à l’arrêt ou fonctionnent au ralenti depuis lundi, en raison d’une mobilisation qui a réuni 40 % de grévistes hier dans le second degré. L’objectif : obtenir un « plan d’urgence » pour un territoire hors normes, qui cumule plusieurs tristes records en France métropolitaine. Outre le fait d’être le plus pauvre de l’Hexagone, ce département abrite aussi la proportion la plus importante de jeunes – lesquels y sont moins nombreux à poursuivre des études que dans les départements voisins – et la plus forte concentration d’établissements en éducation prioritaire.
Pour chaque élève, un an de perdu en moyenne
Un rapport d’information parlementaire présenté par les députés Christine Decodts (Renaissance) et Stéphane Peu (Parti communiste), le 30 novembre 2023, a mis le feu aux poudres. Les deux corapporteurs pointaient les nombreux manquements de l’État dans ce département. En ligne de mire : la faiblesse des politiques mises en œuvre dans la foulée d’un précédent rapport parlementaire, publié au printemps 2018, sur « l’évaluation de l’action de l’État dans ses missions régaliennes en Seine-Saint-Denis ». À l’époque, il avait été établi que les élèves scolarisés sur ce territoire perdaient en moyenne un an de scolarité. Alors Premier ministre, Édouard Philippe avait présenté en octobre 2019 un plan baptisé « L’État plus fort en Seine-Saint-Denis », que Christine Decodts et Stéphane Peu jugent, avec le recul, très insuffisant. A fortiori dans le domaine scolaire. « Au regard des engagements pris dans les domaines de la sécurité et de la justice, les mesures prévues par le plan “État plus fort” paraissent relativement faibles en matière d’éducation », affirment-ils. « Ce rapport confirme l’effet cosmétique des mesures qui ont été prises. Le service public d’éducation reste sous-doté au regard des spécificités du département, qui est en situation de sinistre »,insiste Grégory Thuizat, cosecrétaire départemental du Snes-FSU93.
L’intersyndicale qui a appelé à la mobilisation a fait le calcul. Il manquerait 358 millions d’euros, selon elle, pour remettre à flot le paquebot. L’équivalent, en vrac, de 5 000 enseignants supplémentaires dans le public, de 175 conseillers principaux d’éducation, de 650 assistants d’éducation, de 320 assistants pédagogiques et de 2 200 accompagnants des élèves en situation de handicap. Sans oublier de quoi rénover un bâti scolaire qui fait plus que grise mine. « C’est le strict minimum pour que l’école publique puisse fonctionner, et ce n’est pas exorbitant au regard de ce que le gouvernement compte dépenser pour généraliser l’uniforme et le Service national universel », estime Grégory Thuizat. Pour pallier le manque d’attractivité du département, Christine Decodts et Stéphane Peu préconisent quant à eux, dans leur rapport parlementaire, d’expérimenter un système de formation rémunérée au profit des étudiants du département inscrits en licence qui se destinent au métier d’enseignant, moyennant l’engagement à servir pendant dix ans en Seine-Saint-Denis. Ils proposent également de donner la priorité au département pour pourvoir les postes vacants de personnels de santé et d’action sociale.